> Administration de la preuve

imprimer    envoyer à un ami
Les filatures des détectives sont-elles légales ?
Serge Kauder

Une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu'elle porte atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur.

Un arrêt récent du 26 novembre 2002 a été rendu par la Cour de Cassation (chambre sociale - n° 00-42401). Cet arrêt est, à la fois, classique et novateur. S'il ne fait que confirmer une solution déjà ancienne à savoir que la filature est un moyen de preuve illicite, la Haute juridiction justifie cette fois l'irrecevabilité de ce mode de preuve par l'atteinte qu'un tel procédé porte à la vie privée du salarié, un argument qui sous-tend aussi bien la jurisprudence sur les moyens de surveillance que celle relative à la protection du domicile.

Confirmation de jurisprudence : la filature, un moyen de preuve illicite
Comme un conjoint s'estimant trompé peut avoir envie de savoir, un employeur subodorant un mensonge d'un salarié peut être tenté de recourir aux services d'un détective privé. Tentation d'autant plus naturelle que le salarié ne travaille pas dans les locaux de l'entreprise, l'employeur se trouvant alors moins armé pour contrôler son activité. En l'occurrence, c'est un cadre de l'entreprise qui a été chargé de surveiller un visiteur médical, en se postant à proximité de son domicile.

Mais si la chambre sociale de la Cour de cassation n'a jamais contesté le droit de l'employeur "de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel durant le temps de travail", elle n'a en aucun cas admis qu'il utilise la filature comme procédé de surveillance.

La solution a été clairement posée en 1995: " ayant relevé que l'employeur avait fait suivre par un détective privé le salarié, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les comptes rendus de filature constituaient un moyen de preuve illicite" (Cass. soc., 22 mai 1995, n° 93-44078, Sté. Manulev service c/Salingue, Légis. soc. n° 7298 du 17 juillet 1995, Bull. n° 164).

La solution a été depuis réaffirmée à plusieurs reprises, la chambre sociale précisant en 1998 que "l'illicéité d'un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats" (Cass. soc., 4 février 1998, n° 95-43421, Miranda c/Institution de retraite interprofessionnelle de salariés, Bull. n° 64).


Lire la suite de l'article

imprimer    envoyer à un ami