22 décembre 2024

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Zoom sur la trilogie Wizzgo
Gilles LABOURDETTE, juriste

La Société WIZZGO a été sous les feux de la rampe judiciaires durant toute la fin de l’année 2008 avec pas moins de quatre décisions rendues dans lesquelles elle tient le haut de l’affiche. Rembobinons ce film et repassons-le au ralenti pour mieux en saisir la trame…

Le protagoniste principal est la SARL WIZZGO. Elle joue le rôle du méchant. Cette Société, en effet, propose sur l’internet un service, qu’elle prétend, de « magnétoscope numérique ». Le principe est simple, l’internaute télécharge un logiciel appelé iWIZZ. A partir de ce logiciel, et après inscription sur le site www.wizzgo.com, l’utilisateur peut commander très simplement l’enregistrement d’un programme diffusé sur une des chaînes de la TNT.

La Société WIZZGO se charge de procéder à la copie puis la chiffre dans un second temps. Elle assure ensuite l’acheminement de cette copie chiffrée jusqu’à l’utilisateur. Le client reçoit donc à ce moment, un fichier illisible. La dernière manipulation, en effet, consiste pour l’utilisateur à rendre claires les données reçues. Il obtient alors une copie numérique du programme diffusé qu’il peut conserver ou lire sur tous supports sans limitation de temps.

Malheureusement pour la SARL, les chaînes de télévision classique ne l’entendaient pas de cette oreille. Ainsi, les groupes de M6 et de France télévision l’assignaient en référé pour obtenir la cessation de cette activité et la communication du nombre d’heures de programmes copiés.

Deux ordonnances de référé du Tribunal de Grande Instance de Paris des 6 août et 06 novembre 2008 donnaient le ton du « drame » qui se jouerait ensuite. La défense de la Société WIZZGO tenait en deux points, deux exceptions au monopole de l’auteur :

La copie est une copie privée car seul l’internaute transforme les données reçues en fichier lisible.

La copie réalisée par la Société est une reproduction provisoire au sens de l’article L 122-5 6° ;

Ces deux arguments sont balayés, sans trop de suspense, par le tribunal. Concernant la copie privée, les juges, s’appuyant sur une jurisprudence établie , a considéré qu’il ne pouvait y avoir d’exception de copie privée puisque le copiste et l’utilisateur sont deux personnes différentes. En effet, l’enregistrement est réalisé par la Société WIZZGO à la demande de l’utilisateur. Il est donc copiste au sens du code de la propriété intellectuelle.

Alors que pour un enregistrement « classique », il n’y a pas d’intervenant extérieur entre le moment où l’utilisateur programme son enregistrement et le moment où il récupère cet enregistrement. Tout se passe bien à l’abri chez lui, sur son magnétoscope à lui. Les juges en tirent la conclusion suivante : la copie est illicite.

Concernant le second argument qui est celui de la reproduction provisoire, les juges répondent sur trois niveaux :

Au premier niveau, le caractère transitoire de la copie découlerait, selon le « magnétoscope » du fait que la copie est chiffrée et que seul l’utilisateur peut la rendre lisible. Les juges ne s’en laissent pas conter et constatent que la copie « n’est pas transitoire puisqu’elle est téléchargée et conservée par l’utilisateur ».

Au second niveau, le tribunal rappelle que la reproduction provisoire « ne doit pas avoir de valeur économique propre » aux termes de l’article L 122-5 6°. Or, en l’espèce ce n’est pas le cas puisque comme le soulignent les juges « que le service querellé, économique, n’est pas de l’ordre du don » puisqu’il existe une rémunération de la Société WIZZGO par la publicité.

Enfin, les juges ayant constaté que l’exception pour copie privée n’est pas recevable, et que dès lors la copie est illicite, rappellent qu’il ne peut y avoir de reproduction transitoire que d’une copie licite. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Ainsi, l’épisode du droit d’auteur se finit de bien méchante manière pour la Société WIZZGO.

L’épisode suivant est celui de la propriété industrielle avec en « guest-star » la marque. Les sociétés du groupe France Télévision font remarquer, très justement, que lors de l’enregistrement d’un programme d’une des chaines, la marque semi-figurative de la chaine en question apparait incrustée. Il y a donc là reproduction de marques. Or, la reproduction d’une marque sans droit sur celle-ci est constitutive d’une contrefaçon au sens de l’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Le dernier épisode de cette saga se place sur le terrain de la faute et plus précisément sur le terrain de la concurrence déloyale. La plupart des chaines de télévisons, en effet, ont compris qu’elles avaient intérêt à mettre en place un système de « catch up » puisqu’il existait une réelle demande de ce service. Ce système qui permet de revoir un programme déjà diffusé pendant un laps de temps déterminé. On peut citer à titre d’exemple M6replay ou eTF1. Or, ces plateformes étaient donc directement concurrencées par le système WIZZGO. Mais le Tribunal de Grande Instance de Paris refuse d’entrer en voie de condamnation sur ce fondement puisque pour lui « il n’apparaît pas que les faits reprochés à la société WIZZGO dans le cadre de la concurrence déloyale et parasitaire soient distincts des faits de contrefaçon ».

Le film se termine sur la scène de la condamnation de WIZZGO à plus de 400 000 euros de dommages-intérêts sur le fondement de la loi de lutte anti-contrefaçon d’octobre 2007 qui a créé l’article L 331-1-3 du CPI. Ce montant assez exorbitant s’explique par la mise en place de ce qu’on appelle la licence indemnitaire. Elle constitue peu ou prou le montant que le contrefacteur aurait dû payer s’il avait demandé l’autorisation pour faire son activité. On remarque cependant qu’en l’espèce on s’est un peu éloigné de ce raisonnement. Les juges, en effet, ont opéré un calcul différent puisqu’ils se sont basés sur le service de vidéo à la demande. Ils ont donc calculé combien cela aurait rapporté aux chaines de télévision si elles avaient procédé aux mêmes nombres de « vente » de vidéo que la Société WIZZGO a procédé à des enregistrements de leurs programmes.

Sans être critique de cinéma on peut cependant constater que la trame de ce « drame » est convenue et surtout que la fin était prévisible.


 

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