La Cour d'appel de Poitiers a rappelé qu’un employeur peut surveiller ses salariés à condition d'utiliser des moyens de preuve licite et d'nformer les personnes surveillées. CA Poitiers (ch. soc.), 18 décembre 2007 - RG n° 07/00891.
En l'espèce, un employeur avait produit un constat d'huissier établi suite aux appels téléphoniques donnés par le clerc et la secrétaire de l'huissier de justice à un salarié, mais sans indication de leur qualité (cf 2 arrêts du 18 MARS 2008, Bull. n°06-45.093 et 06-40.852 sur le recours aux stratagèmes). Les conversations avaient été retranscrites dans un procès-verbal de constat à l'insu de la personne appelée. Or ce moyen ne peut être retenu comme mode de preuve.
Il est en effet de règle que si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, l'emploi de procédés clandestins de surveillance est illicite, et notamment l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués. Par ailleurs, manque à ses obligations professionnelles l'huissier de justice, commis en sa qualité d'officier ministériel pour effectuer des constatations purement matérielles, qui prend une fausse qualité ou qui dissimule sa qualité pour obtenir des renseignements d'un interlocuteur à son insu. Par suite, le procès-verbal de constat qu'il a établi dans ces conditions ne peut être retenu comme preuve.
Les moyens de preuve licite
Dispositions du nouveau code du travail
Article L 1121-1 : Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Article L1221-8 : Le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d'aide au recrutement utilisées à son égard. Les résultats obtenus sont confidentiels. Les méthodes et techniques d'aide au recrutement ou d'évaluation des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie.
Article L1221-9 : Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Article L1222-4 : Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Principe
Les contrôles effectués à l'insu des salariés par quelque moyen que ce soit (enquête, témoignages, constat d'huissier...), sont illicites sauf s'ils ont été préalablement portés à la connaissance du personnel et du comité d'entreprise, par exemple par affichage, ou dans le règlement intérieur ou dans le contrat de travail.
Cependant, dans le cadre des relations entre un salarié et un employeur, le témoignage d'un enquêteur privé pourra malgré tout appuyer une plainte au pénal (en cas de délit) ou une requête (au civil) pour faire désigner un huissier de justice chargé de fixer la preuve judiciaire d'une infraction civile ou contractuelle, le juge civil et le juge pénal n'étant pas tenus par les dispositions du code du travail.
Par ailleurs les contrôles de salariés pourront être considérés comme valides en droit du travail s'ils respectent les prescriptions légales ci-dessus rappelées et ne portent pas atteinte à la vie privée du salarié.
Exemple
Fin 2007, la chambre sociale de la Cour de Cassation a admis un constat d'huissier relevant qu'un salarié, officiellement en arrêt maladie, travaillait dans une auto-école, mais l'officier ministériel, appelé par le détective chargé de la filature, s'était d'abord présenté avant de constater les faits (ce qui n'est pas le cas des surveillances effectuées, par nature, à l'insu de la personne). Donc la filature par un détective privé devient licite du moment où elle fait suite à un constat d’huissier qui établit les faits après avoir décliné son identité et la raison de sa présence.
Une obligation d’information à 2 niveaux pèse sur l’employeur La consultation du comité d’entreprise, préalablement à toute décision de mise en œuvre de moyens techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés (article L.432-2-1 al. 3 du Code du travail) une information préalable de chaque salarié (article L.121-8 du Code du travail). A défaut, les moyens de preuve non conformes à ces principes ne peuvent être retenus par la juridiction prud’homale.
Lorsque la vidéosurveillance n’est pas destinée à surveiller directement les salariés mais l’accès à l’entrepôt pour des raisons de sécurité, l’employeur n’a pas à respecter les obligations tenant à la consultation des représentants du personnel et à l’information préalable du salarié. Dans cette hypothèse, la vidéosurveillance peut constituer un moyen de preuve licite (c’est la solution posée dans un arrêt du 19 avril 2005 accusant un salarié de vol dans les entrepôts de la société filmé à son insu). En l’espèce, la vidéosurveillance est destinée à surveiller l’accès à l’entrepôt pour des raisons de sécurité, c’est donc la preuve obtenue par le système de vidéosurveillance qui a permis de fonder le licenciement. Quelle que soit la gravité des faits reprochés au salarié, on ne peut violer la vie privée d’un salarié.
L’enregistrement d’une conversation téléphonique effectué par le salarié à l’insu de l’employeur est un procédé déloyal rendant la preuve irrecevable. (Cass. soc., 29 janv. 2008, pourvoi n°06-45.814, arrêt n°170 F-D 229-14 ; Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-17.147)
CONSTAT D’HUISSIER PLUTÔT QUE RAPPORT DE DETECTIVES
L’employeur est tenu à une obligation d’information, préalable à la mise en place du moyen de contrôle, à l’égard des représentants du personnel. Il doit informer la Cnil si besoin, en lui déclarant préalablement à la mise en œuvre du moyen de contrôle s’il constitue un fichier automatisé d’informations nominatives, sous peine de sanctions pénales. Par ailleurs, l’employeur qui est tenu d’exécuter de bonne foi les relations contractuelles, doit également s’assurer que les moyens mis en œuvre pour contrôler l’activité des salariés sont proportionnés au but recherché. L’argument développé par le salarié était donc judicieux, d’autant qu’il a bien fallu que l’on indique à l’huissier de justice où se trouvait le salarié: en clair, une personne avait bien suivi le salarié jusqu’au casino...
Le salarié a fait valoir que la Cour d’appel avait violé l’article 9 du nouveau Code de procédure civile en considérant que le constat d’huissier établi dans le but de le localiser à l’extérieur de son établissement constituait un mode de preuve licite, l’huissier ayant décliné son identité et indiqué l’objet de sa présence, bien que ce dispositif de contrôle n’ait pas été porté préalablement à sa connaissance. Il n’a pas été suivi par la Cour de cassation, qui, dans cette affaire, a validé le raisonnement de la Cour d’appel et reconnu la licéité du mode de preuve par constat d’huissier, ce dernier s’étant simplement «borné» à effectuer des constatations purement matérielles dans un lieu ouvert au public. Contrairement à cette décision, un arrêt a estimé que le rapport d’un détective privé, utilisé par un employeur pour procéder à un licenciement, constitue un mode de preuve illicite, le salarié n’ayant pas été informé de la mission du détective privé, et pour cause... Dans ce cas, la Cour avait invalidé le licenciement en rejetant le moyen de preuve déloyale.
Cour de Cassation, Chambre sociale, 6 décembre 2007, N° de pourvoi : 06-43392
Peut être retenu comme mode de preuve licite un constat dressé par un huissier qui s’est borné à effectuer dans des conditions régulières à la demande de l’employeur des constatations purement matérielles dans un lieu ouvert au public et à procéder à une audition à seule fin d’éclairer ses constatations matérielles. Lorsqu’un salarié, qui a déjà été sanctionné, se livre à une activité professionnelle pour le compte d’une auto-école en violation de son contrat de travail, alors qu’il est en arrêt de travail pour maladie, ce comportement rend impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis et constitue une faute grave.
Rapport de détectives privés
Dans un arrêt de principe du 7 novembre 1962, la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation a considéré que les rapports et dépositions d'enquêteurs privés pouvaient être pris en considération par les magistrats sous certaines réserves de prudence : informations du salarié et respect de la vie privée. Aujourd’hui la Jurisprudence s’oriente plus à un examen des conditions de procédure fondé sur le caractère proportionné et justifié par les intérêts légitimes de la société.
Les filatures des détectives (ARP) sont-elles légales ? (Article de doctrine publié le mardi 16 décembre 2003, par Serge Kauder.)
Une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu'elle porte atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur.
Un arrêt récent du 26 novembre 2002 a été rendu par la Cour de Cassation (chambre sociale - n° 00-42401). Cet arrêt est, à la fois, classique et novateur. S'il ne fait que confirmer une solution déjà ancienne à savoir que la filature est un moyen de preuve illicite, la Haute juridiction justifie cette fois l'irrecevabilité de ce mode de preuve par l'atteinte qu'un tel procédé porte à la vie privée du salarié, un argument qui sous-tend aussi bien la jurisprudence sur les moyens de surveillance que celle relative à la protection du domicile.
Confirmation de jurisprudence : la filature, un moyen de preuve illicite Comme un conjoint s'estimant trompé peut avoir envie de savoir, un employeur subodorant un mensonge d'un salarié peut être tenté de recourir aux services d'un détective privé. Tentation d'autant plus naturelle que le salarié ne travaille pas dans les locaux de l'entreprise, l'employeur se trouvant alors moins armé pour contrôler son activité. En l'occurrence, c'est un cadre de l'entreprise qui a été chargé de surveiller un visiteur médical, en se postant à proximité de son domicile.
Mais si la chambre sociale de la Cour de cassation n'a jamais contesté le droit de l'employeur "de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel durant le temps de travail", elle n'a en aucun cas admis qu'il utilise la filature comme procédé de surveillance.
La solution a été clairement posée en 1995: " ayant relevé que l'employeur avait fait suivre par un détective privé le salarié, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les comptes rendus de filature constituaient un moyen de preuve illicite" (Cass. soc., 22 mai 1995, n° 93-44078, Sté. Manulev service c/Salingue, Légis. soc. n° 7298 du 17 juillet 1995, Bull. n° 164).
La solution a été depuis réaffirmée à plusieurs reprises, la chambre sociale précisant en 1998 que "l'illicéité d'un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats" (Cass. soc., 4 février 1998, n° 95-43421, Miranda c/Institution de retraite interprofessionnelle de salariés, Bull. n° 64).
Mise en cause d'un arrêt de travail
Pas plus qu'un employeur, une caisse de sécurité sociale n'est fondée à invoquer les résultats d'une filature, pour supprimer par exemple les indemnités journalières à un salarié qui, en congé maladie, se livrerait à une activité interdite par le règlement des malades (Cass. soc., 24 janvier 2002, n° 00-18215, CPAM c/Bonnet et a., Bull. n° 35).
Adoptant une formule plus percutante que celle de 1995 (la Cass condamne le moyen de preuve de la filature au motif que le moyen n’a pas été porté à la connaissance du salarié), l'attendu débute par une affirmation de principe : « une filature organisée par l'employeur, quand bien même elle aurait pour finalité de contrôler et de surveiller l'activité d'un salarié, constitue un moyen de preuve illicite ».
LE procédé porte nécessairement atteinte à la vie privée, il est en soi illicite (position jusqu’au 6 décembre 2007).
Le principe : l'obligation de loyauté
Le salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie reste tenu d’une obligation de loyauté à l’égard de son employeur. L’acte de déloyauté qui peut lui être reproché doit consister en un manquement aux obligations découlant du contrat de travail.
Il en résulte que l’inobservation par le salarié de ses obligations à l’égard de la sécurité sociale et tenant aux heures de sortie autorisées ne peut justifier son licenciement (voir déjà en ce sens : Soc., 16 juin 1998, Bull. V n° 323 ; Soc., 27 juin 2000, Bull. V n° 249).
L’obligation de loyauté est interprétée de façon restrictive en ce sens que le manquement à cette obligation exige que le salarié ait une activité pendant l’arrêt de travail incompatible avec son incapacité de travail : l’exercice d’une activité ne constitue pas en lui-même un manquement à cette obligation (à rapprocher de l’arrêt du 16 juin précité s’agissant d’un voyage d’agrément ou encore le fait d’être vu sur un stand de brocante au marché aux puces le dimanche matin Soc., 21 mars 2000, Bull. n° 115).
La Chambre sociale rappelle ces principes dans l’arrêt du 4 juin 2000 et approuve la cour d’appel d’avoir dit que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse dès lors qu’elle avait constaté que le salarié avait remplacé temporairement et à titre bénévole le gérant d’une station-service dans une activité n’impliquant aucun acte de déloyauté vis à vis de son employeur. La solution aurait sans doute été différente si l’activité ainsi exercée pendant l’arrêt-maladie avait été la même que l’activité professionnelle du salarié chez son employeur.
Le procédé de la filature en tant que tel implique nécessairement une atteinte à la vie privée du salarié, atteinte que l'employeur ne peut en aucun cas justifier par la sauvegarde de ses intérêts tant le procédé est disproportionné, par rapport à sa finalité, qu'est le contrôle de l'activité d'un salarié. Traces de la jurisprudence Nikon, protectrice de la correspondance (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42942, SA Nikon France c/Onof, Juris. Hebdo n° 736, Bull. n° 291) JP Abram (Cass.soc., 2 octobre 2001, n° 99-42727, Abram c/Zurich assurances, Juris. Hebdo n° 736, Bull. n° 292) Jami (Cass. soc., 20 mars 2002, n° 00-60315, Jami c/Féd. UFT, Juris. Actua. n° 773, Bull. n° 95) sur la protection du domicile du salarié.
Conclusion
Les filatures étaient dans tous les cas illicites en matière sociale. En effet, la Cour de cass. en s'appuyant immuablement sur les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code Civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L.1221-1 du Code du travail, considérée invariablement qu'il résulte de ces textes qu'une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu'elle implique nécessairement : une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée par les intérêts légitimes de l'employeur, eu égard à son caractère disproportionné,
Cependant, l’arrêt du 6 Décembre 2007 a marqué, semble-t-il un tournant dans les conditions de recevabilité d’une preuve (voir article bas de page).
N'est pas plus licite un constat d'huissier dressé à la suite d'une filature organisée à l'initiative de l'employeur dès lors que la preuve d'une activité prohibée a été obtenue par des moyens illicites et selon une procédure irrégulière (aujourd’hui la licéité est retenue si : l’huissier décline son identité et les raisons de sa présence).
Elles peuvent être admises en matière pénale et civile : En matière pénale, il convient que l'objet de la filature soit de nature à apporter la preuve d'un délit pénal En matière civile, les magistrats peuvent retenir (lors d'un divorce par exemple) les faits mentionnés dans un rapport de détective à condition que ce dernier soit réalisé dans un certain formalisme et avec une grande circonspection.
Les rapports et dépositions d'enquêteurs privés sont donc (hors le cas spécifique du droit du travail) recevables en justice, sous réserve de l'appréciation souveraine des magistrats qui estiment, ponctuellement, l'opportunité d'accepter ou de rejeter une offre de preuve par exemple sur le fondement de l'article 427 du C.P.P. (cf. supra) ou encore de l'article 1353 du code civil (cf. supra). Un arrêt de la Cour d'Appel de Caen du 4 avril 2002 résume parfaitement la situation juridique des rapports et dépositions d'agent de recherches privées devant les Cours et Tribunaux : « les constatations effectuées par un enquêteur privé sont admissibles en justice selon les mêmes modalités et sous les mêmes réserves que tout autre mode de preuve (...) ». <p align="justify" /><p align="justify">En savoir plus
http://illassa-benoit.over-blog.com/article-19742331.html article de doctrine sur l’arrêt du 6 décembre 2007 qui révolutionne la preuve en droit social. http://www.lepoint.fr/actualites-societe/mefiez-vous-de-votre-disque-dur/920/0/300919 sur la recevabilité d’une preuve informatique, téléphonique http://detective-bordeaux.over-blog.com/article-26043168.html ce blog d’une agence de détective est régulièrement mis à jour et m’a orienté vers des actus juridiques concernant mes recherches. Il est toujours intéressant de jeter un œil sur les méthodes de la concurrence.
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